Save Our Agriculture: l’aquaponie et l’agriculture péri-urbaine

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Agriculture
Agriculture traditionnelle

Nourrir sa population, jeune et principalement urbaine est un défi pour l’Afrique d’aujourd’hui et de demain. Du fait d’infrastructures déficientes, l’agriculture péri-urbaine semble être une solution adéquate pour répondre à la demande en produits frais, de qualités et à prix abordable. Parmi tous les acteurs du marché, Save Our Agriculture sort du lot en alliant productivité, respect de l’environnement et maîtrise des coûts de production.

 

Save Our Agriculture est l’histoire d’un retour aux sources. Celle de Flavien Kouatcha, qui, après des études d’ingénierie et une reconversion dans le marketing a décidé de revenir à l’activité de sa famille : l’agriculture. Issu de cette génération de millénial (définition), Flavien Kouatcha a toujours été porté par l’envie de créer, développer et au delà : d’avoir un impact.

Après une première expérience en tant que cadre exécutant dans une multinationale, puis en charge du business développement et ayant appris les méthodes du marketing, il décide de voler de ses propres ailes. Il se lance dans l’agriculture dans son village ancestral à l’ouest du Cameroun et il se heurte au plus grand mal des pays africains : l’état désastreux des infrastructures routières. De ce fait, l’entreprise doit faire face à deux problématiques majeures : Les coûts de transport élevés dû à l’état des routes et la gestion des délais d’acheminement de sa marchandise, périssable.

 

 « Plus de 40% des aliments au Cameroun pourrissent encore dans les villages parce que les agriculteurs n’ont pas les moyens suffisants pour les transporter et les vendre dans les grandes villes. »

Flavien Kouatcha

 

A l’issue de cet échec, Flavien Kouatcha chercha un nouveau modèle agricole, permettant de produire plus proche des consommateurs. Après des recherches sur l’aquaponie, il commença la mise au point d’un produit, permettant de produire chez soi (ou à proximité) des légumes et des poissons selon le système symbiotique issue de l’alliance entre pisciculture et l’hydroponie.

En Mars 2016, le premier modèle de kit aquaponique est mis sur le marché. Ce premier produit consiste en deux réceptacles permettant l’élevage de Tilapias ou Poissons-chats dans une cuve inférieure ; et de légumes dans une cuve supérieure. Cette structure est alimentée par un système de pompe permettant à l’eau de porter les nutriments nécessaires aux deux écosystèmes et ainsi ne plus dépendre des engrais, tout en limitant la consommation d’eau.

L’aquaponie se définit comme un écosystème construit en circuit fermé, permettant de faire profiter les cultures des déjections de poissons, et de faire filtrer l’eau des poissons par les plantes.

Les kits sont produits en différentes tailles, pour les particuliers et les professionnels (et notamment les commerces de bouche) et commercialisés entre 80’000 et 600’000 FCFA.

Le Cycle de l'aquaponie, Save Our Agriculture

Description du processus d’aquaponie

Après ce premier succès commercial, l’entreprise Save Our Agriculture a continué ses travaux en recherche et développement afin de proposer un nouveau produit plus optimisé, performant et permettant de répondre au besoin grandissant de consommation comme nous allons le voir dans la prochaine partie: un conteneur aquaponique.

Sur une base de conteneur de marine marchande (40 pieds, soit 12 mètres de long), un bassin de pisciculture est installé dans le corps, et un « jardin » est mis en place sur le toit. Au bout de cinq mois seulement, le conteneur peut produire 2 tonnes de poissons et l’équivalent d’un demi-hectare de production végétale conventionnelle. Entièrement autonome en énergie via un sytème de panneau solaire et ne nécessitant que de l’eau et de la nourriture pour nourrir les poissons, il permet de répondre à une demande de production industrielle, avec un faible impact au sol. De plus, la maintenance est réduite par un système automatisé et pilotable par smartphone. Connectée et productive : est ce la ferme de demain ?

Pour nous permettre de répondre à cette question, un tour d’horizon des besoins de l’Afrique et des menaces qui planent sur l’agriculture est nécessaire.

Le modèle agricole en Afrique : l’aquaponie comme réponse aux défis du continent?

Selon PWC, l’Afrique verra ses besoins alimentaires augmenter de 60% d’ici 2050, alors qu’aujourd’hui, elle se trouve déjà dans une situation de déficit alimentaire estimé à 35 Milliards de dollars par an. Elle doit donc fortement soutenir sa production interne pour réduire son déficit et dans le même temps accompagner le développement des besoins de ses habitants.

Qualifié de réservoir de terres arables, elle abrite également une biodiversité et l’un des derniers poumons de la planète avec le bassin du Congo. La zone sahéllienne ressent les premiers effets du réchauffement climatique avec des pénuries d’eau. La déforestation sauvage augmente l’érosion des terres arables. De plus, la pression démographique crée des zones urbaines denses, souvent désorganisées, qui augmentent la tension sur les ressources en éloignant les zones de productions des zones de consommation principales. Enfin, ces effets conjugués peuvent créer des instabilités politiques engendrant une migration de population qui renforcerait la pression sur les écosystèmes.

La transformation d’une agriculture vivrière en un système d’agriculture intensive utilisé dans les pays développés serait également une erreur. Le modèle de mono-culture et d’élevage intensif à déjà montré ses limites en Europe, aux Etats-Unis et commence à se faire ressentir dans les pays l’ayant implémenté en Amerique du sud. L’innovation et les nouvelles formes d’agricultures  doivent donc être envisagées pour que l’Afrique ne répète pas les erreurs des autres continents.

Parmi ces nouvelles formes d’agriculture, l’aquaculture et l’hydroponie sont à envisager sérieusement. L’hydroponie à déjà fait ses preuves à un niveau industriel, avec une technologie robuste, notamment à Singapour. L’aquaculture est quant a elle déjà largement répandue, notamment en Afrique.

L’alliance de ces deux méthodes, appelée aquaponie, permet aux plantes de bénéficier du nitrate issu des déjections de poissons, qui eux bénéficent des nutriments générées par les plantes. Ces deux systèmes cohabitent, limitant voire annulant la nécessité de rajouter des intrants. A cela s’ajoutent plusieurs avantages :

  • une consommation en eau inférieure à l’agriculture traditionnelle : les spécialistes estiment que l’aquaponie économise 90% de l’eau d’un système traditionnel.
  • une production entre 2 et 3 fois plus importante.
  • une mise en place ne dépendant pas de la localisation de terre arable, et donc une production qui pourrait être urbaine.
  • une production ne rejetant pas de CO2 et ne demandant pas de matériel lourd (tracteurs, matériel agricole …)

L’aquaponie dispose donc de sérieux atouts pour répondre aux besoins du continent, et particulierement dans l’agriculture urbaine et peri-urbaine.

Pour prolonger votre lecture sur ce domaine, je vous conseille les ouvrages et sites suivants :

Pour prouver le fonctionnement de leur solution, Flavien Kouatcha et son associée ont créé une ferme qui produit aujourd’hui avec 150m2 de serres, environ 5 tonnes de légumes et 2 tonnes de poisson par an. Au delà du cash-flow généré par leur activité, la ferme est d’avantage un site pilote/un lieu d’expérimentation permettant de promouvoir la technique agricole innovante développée par la jeune entreprise qu’une  activité à part entière.

 

« Créer une ferme et implémenter l’aquaponie était le moyen pour nous de prouver aux gens que c’est possible et donc de les emmener à l’implémenter chez eux aussi, avec notre assistance technique. »

Flavien Kouatcha

 

Comme nous l’avons vu, la solution proposée par Save Our Agriculture est prometteuse et devrait pouvoir répondre aux besoins de l’Afrique, à condition qu’il y ait un réel soutien des gouvernements de ces états et une participation des investisseurs privés.

Voilà ce qui est de la théorie. Mais concrètement Save Our Agriculture ça donne quoi?

Save Our Agriculture: déjà remarquée !

L’entreprise a été fondée en Octobre 2016 par Flavien Kouatcha et Leslie Tipa. A partir de leurs économies, et aux prix de quelques sacrifices, la création du produit et le marketing associé leur a permis de chercher des financements auprès d’organismes publics et supra nationaux. Sélectionné par le Comité de la Sécurité Alimentaire de la FAO, la visibilité offerte a permis à la jeune entreprise de lever un peu plus de 10’000 USD auprès d’investisseurs, et par la même occasion de se rassurer sur la viabilité de leur projet.

Aujourd’hui, soit 18 mois plus tard, ils sont en phase de due diligence pour une levée de fonds de 200’000 USD auprès d’investisseurs américains. Ces fonds seront alloués au marketing et surtout en développement de produits et d’infrastructures. Encore trop petite pour être la cible d’acteurs tels que les fonds d’investissements, la société est autant à la recherche de capitaux pour se développer, que d’accompagnement pour croître en évitant les écueils.

Flavien Kouatcha, devant un contenaire au premier stade de developpement

Flavien Kouatcha, devant un contenaire au premier stade de développement

Les prochaines étapes devraient lui permettre d’atteindre la taille critique et de s’étendre à l’international. Déjà installé au Sénégal, et ciblant à terme les pays soumis au défi du changement climatique avec un potentiel important, la société souhaite avancer pas à pas dans son développement. En s’appuyant sur ses points forts, elle vise à horizon 3 ans le Rwanda, puis le Nigeria.

L’équipe est actuellement composée de 7 personnes au Cameroun et 2 au Sénégal, et prévoit d’embaucher 3 personnes de plus dans l’année. A l’image de la technologie encore peu utilisée, la recherche d’une main d’œuvre de qualité et professionnelle est un vrai défi. Profitant de ses qualitées d’ingénieurs, Flavien Kouatcha a pris le parti de former techniquement ses employés, au risque que ceux-ci partent pour des emplois mieux rémunérés proposés par des structures plus importantes.

Porté par des valeurs écologiques et humaines fortes (à l’image du partenariat avec le Centre Multifonctionnel de Bépanda à Douala pour proposer des solutions à destinations des personnes à mobilités réduites pour produire et potentiellement revendre une production familiale), la société s’intègre dans un ecosystème responsable qui donne de la résonance à son message d’agriculture moderne et saine.

Récemment invité à la COP22 pour partager son expérience, Flavien Kouatcha à pu porter son message d’une alimentation de qualité, à proximité des consommateurs, avec un produit permettant de répondre au défi de nourrir le continent. Je citerai pour terminer les mots de Flavien Kouatcha lors de notre discussion :

« Pour parler de transition écologique, de changement climatique ou d’agriculture biologique par ces moments où plus de 500.000 personnes décèdent chaque année pour avoir consommé des aliments contaminés, j’ai juste envie de dire que notre entreprise est au bon endroit au bon moment. »

Flavien Kouatcha

 

Fiche d’identité de l’entreprise
Nom Save Our Agriculture
Date de création 25 Octobre 2016
Adresse 17, Route principale de Yansoki – Douala
Capital 100.000 USD
Financement du capital Investissement fondateurs / Awards
Chiffre d’affaire 2017 75.000 USD
Objectifs de développement 3 ans : 25 collaborateurs; CA : 1.522.014 USD 

Implantation au Cameroun / Sénégal / Rwanda

5 ans : 32 collaborateurs;  CA : 4.7M USD

Implantation au Cameroun / Sénégal / Rwanda / Nigeria

10 ans : 112 collaborateurs dans 25 pays africains;  CA : 97M USD

L’équipe (actuelle) Flavien Kouatcha : CEO / CTO

Leslie Tipa : CFO

Eleinne Njitche : Business Development Manager

Romuald Chindje : Head of Sales and Operations

Gisèle Yon : Head of Communications

Florent Mandela : Vegetable Productions Manager

Emilie Atsena : Animal Productions Manager

Prix et récompenses : Tony Elumelu Foundation Entrepreneurship Program 2018

African Entrepreneurship Award 2017

Prix 2017 de l’entreprise la plus prometteuse remis par la Chambre de Commerce du Cameroun

Lauréat 2017 du Guichet Initiative Jeunes du Groupement Inter-Patronal du Cameroun

Meilleure Innovation Sociale pour la lutte contre les changements climatiques – COP22

SpeedUp Africa 2016

Concurrents La consommation de poissons:

CONGELCAM (60% des parts de marchés d’importation de poissons)

Queen Fish (20% des parts de marchés de l’importation de poissons)

Entreprises proposant une solution comparable:

Greenhouse ventures

Uroboros Farms

Agricool

Upward Farm

Freight Farms

Catalogue produit Vous pouvez télécharger ici le catalogue de produits de Save Our Agriculture

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  1. Pingback: L’agriculture de demain : L’aquaponie - blog TalkAg

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