En plus des ressources naturelles, l’Afrique possède une ressource bien moins valorisée mais avec un très fort potentiel: sa jeunesse. Pénalisé par un système éducatif pauvre, cette tranche de la population peine à trouver un emploi, et donc à contribuer à la croissance économique grâce notamment au renforcement de la classe moyenne quasi-inexistante dans de nombreux pays africains.
Pour répondre à cette problématique, Douglas Mbiandou à créé 10’000 Codeurs. Pourquoi, comment, dans quel contexte ? Penchons-nous sur ces questions.
Le projet
Après la création d’une première entreprise de formation en informatique (Programmation Java pour les connaisseurs) à Lyon en 2005 et la formation de plus de 3’000 personnes à ce jour, Douglas Mbiandou a voulu donner du sens à son action et cibler le continent africain. Parti du principe que le monde a besoin d’un développeur pour 1’000 habitants, que le continent a une population d’un milliard, il lui faudra donc former un million de codeurs. Pour commencer, il s’est arrêté sur un centième et ainsi 10’000 Codeurs est né.
La priorité est l’autonomisation financière de la jeunesse : leur donner les mêmes compétences qu’à mes clients multinationale qui me confient la formation de leurs ingénieurs.
Douglas Mbiandou
Plus précisement, quelles sont ces compétences et le fonctionnement du programme ?
Basé sur 70% de technique, 30% de compétences relationnelles, d’anglais et d’entreprenariat, la formation est adaptée au public de jeunes, habitant en Afrique francophone. Le processus d’accompagnement et d’insertion se divise en quatre étapes :
Les futurs étudiants s’inscrivent à travers l’un de ces canaux:
- une croissance organique via des campagnes marketing ciblés dans les pays hôtes, avec depuis le lancement plus de 1500 demandes
- une liste de volontaire, identifiés par les états, collectivités et autres donneurs d’ordre qui ont mandaté 10’000 Codeurs pour former et insérer les jeunes dans le secteur du numérique.
Une fois les candidats identifiés, ils sont soumis à un test de logique, d’anglais et un entretien de motivation pour vérifier l’adéquation du profil aux métiers de demain, tel que les Community Manager, Data scientists…
Cette phase de sélection passée, le stagiaire a le choix entre une formation à temps plein de 5 mois ou une formation de 1 an à temps partiel, trois fois par semaine, pour permettre aux clients de continuer leurs études ou leur emploi actuel.
Enfin, la dernière phase de la formation va permettre aux étudiants d’acquérir les compétences nécessaires pour se vendre (par l’acquisition des softs skills et d’entretiens d’embauches), rechercher un emploi et s’insérer dans le réseau professionnel des anciens étudiants.
Dans un premier temps nous nous sommes appuyés sur le matériel pédagogique dont nous disposions : celui du centre de formation Objis spécialiste JAVA, un langage de programmation qui permet de créer différents types d’applications : web, mobile et ‘desktop’
Douglas Mbiandou
Avec ces compétences, les étudiants possèdent une base technique en Java solide, avec une employabilité importante. Aujourd’hui, 80% des étudiants possèdent un bagage technique, avec des diplômes de Bac+2 à Bac+5 en informatique, mais l’objectif à terme est d’insérer une population moins spécialisée, et de reconvertir ces jeunes dans les métiers du numérique.
Le salaire de sortie peut créer une motivation importante pour les candidats et un facteur supplémentaire dans l’émergence de la classe moyenne, comme le montre le tableau ci-dessous :
Junior (-2 ans d’expériences) | Senior (+5 ans d’expériences) | |
Sénégal | 300’000 FCFA/mois | 700’000 FCFA/mois |
Cameroun | 200’000 FCFA/mois | 400’000 FCFA/mois |
Côte d’Ivoire | 300’000 FCFA/mois | 700’000 FCFA/mois |
Source: 10’000 Codeurs
Ainsi, la création d’un écosystème dans les différents pays francophones, formés par la même société dans un esprit de communauté permettra de déceler des talents, et de permettre aux donneurs de projets, d’intégrer les différences culturelles ou d’usage d’un service tôt dans le développement de la solution du besoin. En effet, l’usage au Mali et au Gabon ne peut pas être résumé dans une standardisation. Avoir une base locale de développeur est, à mon sens, un atout certain pour une entreprise/institution dans la compréhension et l’application du projet de développement.
L’association
Penchons-nous maintenant en détail sur la structure de 10’000 Codeurs. Association française Loi 1901, la viabilité du projet repose sur un financement des entreprises dans le cadre de leur politique RSE et sur l’apport de connaissances par des professionnels de l’informatique. Actuellement adossée à la société Objis, la structure pédagogique pourra profiter des compétences et des expériences acquises au service des centaines de clients (dont de nombreux acteurs majeurs tel qu’IBM, ATOS, Orange…). Aujourd’hui entité purement commerciale, OBJIS veut via sa politique ESG être un acteur du développement et créer de l’impact sur ses domaines de compétence : la formation et l’informatique.
De plus, un écosystème d’experts va animer la formation et proposer du matériel éducatif reposant sur leur spécialité. Leur engagement est donc un élément clé du succès du projet.
Pour le lancement de cette formation, le prix de la formation est fixé à 40’000 FCFA par mois pour permettre à tous les volontaires de s’inscrire ; le restant étant financé par la structure Objis. Des fonds vont être levé prochainement au cours de différentes conférences [comme la prochaine afric’Up] qui vont permettre de mettre en lumière les réussites de la première promotion et passer à la phase de formation à grande ampleur.
Le tournant numérique du continent
Aujourd’hui, 450 millions d’africains sont internautes. Comme le note Remi Rioux dans sa récente tribune sur Le Monde , l’usage d’internet est très différent en Afrique qu’en occident : 12% de la population en dessous du sahara utilise le Mobile Banking, contre 2% dans le reste du monde.
De plus, Internet est principalement consommés sur mobile. L’explosion des smartphone en Afrique (prévu pour 660 millions de détenteurs en 2020) bouleverse et nécessite de réinventer l’usage. Banques en ligne, outils de surveillance du marché des matières premières, pilotage de fermes d’aquaponie, suivi scolaire et streaming local [dont nous allons très rapidement vous parler] et bien-sûr renforcement de l’aspect communautaire avec What’s app : Tout un monde s’ouvre, avec des opportunités de marché extraordinaire pour les entreprises qui vont adopter ce tournant.
Toutes entreprises ciblant l’Afrique se doit d’avoir un portail internet, avec une fonctionnalité adapté aux usages (connectivité par smartphone) et aux besoins locaux (par exemple la possibilité de faire des micro-paiements pour s’adapter au pouvoir d’achat local).
Au-delà de l’usage directement économique, la pénétration des smartphones et par extension d’internet mobile permet l’expression d’une citoyenneté plus directe, d’une contestation plus organisée et d’une information moins contrôlée. Autant d’éléments positifs pour améliorer la gouvernance et donc renforcer l’attractivité du pays par la diminution du risque pays et forex.
Enfin, de nombreuses initiatives digitales et le récent salon Viva Tech à Paris sont autant d’indicateurs d’un mouvement de fond, d’une révolution en cours.
« Il y aura alors dans de nombreux pays africains ce qu’on appelle « une fenêtre d’opportunité » avec une population active très jeune et cela crée la possibilité de « bénéfices démographiques » avec une croissance rapide, un fort taux d’emploi et une sortie de la pauvreté pour de nombreux foyers », David Anthony, rapport Génération 2030 publié par l’Unicef
Il existe donc un besoin actuel, et une forte demande future, de professionnels des nouvelles technologies : Développeurs avec une connaissance des usages et de la culture locale, des Community Manager, Data scientist, Traffic manager… Comme nous l’avons vu précédemment, l’usage de l’internet mobile prône sur l’usage de bureau. Donc, les spécialistes en développement et gestion d’applications web mobile seront particulièrement demandé. Or, pour ce type d’usage, le langage de programmation à préférer est le Java (dans lequel sont codées les applications Android, qui représente 85% du marché en 2017).
Enfin, un nouveau marché pourrait découler d’une meilleure formation aux métiers du numérique : l’externalisation et la délocalisation de certains services informatiques de sociétés européennes. L’absence de décalage horaire, une main d’œuvre nombreuse encore à faible coût, une langue commune : Pouvons-nous rêver d’une Afrique comme un nouveau Bangalore ? Oui, mais à condition de prendre en compte sa diversité culturelle et ne pas simplement déléguer ; d’accompagner sa croissance pour croître soi-même : tel est l’enjeu d’une entreprise qui s’implante en Afrique pour se placer comme un acteur économique majeur.
Les opportunités sont donc nombreuses sur le continent et tendent à augmenter. C’est pourquoi il faut former aujourd’hui les futurs professionnels pour que ce phénomène traverse le Sahara.
Avec 10’000 Codeurs nous souhaitons accompagner les entreprises désireuses de faire du continent un allié stratégique de leur production logicielle et leur laboratoire digital. C’est en Afrique que de nouveaux usages du numérique vont être conçu, pour une cible Afrique comme mondiale.
Douglas Mbiandou
A l’image de cette diaspora qui veut jouer un rôle dans le développement, Douglas Mbiandou à utilisé sa structure comme un moyen d’agir. Dans un secteur porteur, avec un besoin local et international qui va s’amplifier, il est temps de former cette future classe moyenne.
A la recherche de partenaire et de clients pour financer la future promotion, cette initiative mérite d’être analysée en profondeur à l’issue de la première promotion, pour être soutenue et pour profiter aujourd’hui de la croissance du secteur de l’éducation, en déficit de structure et qui, démographiquement, sera clé pour les dix prochaines années.
Pour ceux qui souhaitent faire une pause, OBJIS est également à l’initiative d’une web-série très bien réalisée pour sensibiliser les jeunes à être acteur de la transformation digitale du continent. Des exemples très marquants… qui amènent le sourire :