Repenser l’impact pour financer les Objectifs de Développement Durable

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Finance
Les Objectifs de Développement Durables

Nous parlons régulièrement sur le blog d’impact et création de valeurs extra-financière avec des solutions qui permettent de valoriser le terroir, électrifier les zones rurales ou proposer une nouvelle forme de production alimentaire. Cependant, il me paraît nécessaire de faire le point sur un indicateur, ou plutôt un but : les Objectifs de Développement Durable des Nations Unies. J’ai récemment eu accès au document qui sera publié le 26-28 Novembre par l’UNEP FI : prenons donc le temps de « Repenser l’impact pour financer les Objectifs de Développement durable »

Quels objectifs poursuivre ?

Faisant suite aux Objectifs du Millénaire, fixés en 2000 et dont l’objectif principal était la réduction de la pauvreté, les Nations Unies ont défini en 2012 pendant la Conférence de Rio, 17 objectifs, généralement interdépendant, qui ont pour but de catégoriser, clarifier et mesurer l’évolution du monde, afin de mettre en œuvre des politiques qui permettront d’ici 2030 d’améliorer le monde. Simplement.

Axé autour de 5 enjeux transversaux (les peuples, la planète, la prospérité, la paix et les partenariats), les objectifs sont résumés dans cette infographie officielle :

Les Objectifs de Développement Durables

Les Objectifs de Développement Durable tels que définis par l’ONU

Utopiste ? L’idéalisme de l’objectif est également sa force. En donnant un cap, en identifiant les enjeux, les Nations Unies permettent de mobiliser les énergies sur un but commun, cohérent avec nos valeurs humaines. Au-delà de la simple déclaration d’intention qui est souvent reprochée aux Nations Unies, les États doivent aujourd’hui rendre des comptes annuellement des politiques mises en place. Cependant, tous les membres de la société sont incités à agir : entreprises, associations, citoyens et bien sûr le monde de la finance.

Un changement de modèle est nécessaire

UNEP FI (United Nations Environment Programme – Finance Initiative), qui regroupe depuis 1992 les Nations Unies et 200 institutions financières, va publier un papier le 26-28 Novembre 2018 qui démontre et propose une nouvelle approche du financement. Ayant récemment eu accès à la version en révision (et disponible via ce lien), je vous en résume les principaux éléments.

Dans un premier temps, il est nécessaire de connaître le besoin de financement nécessaire pour atteindre d’ici 2030 l’intégralité des Objetifs de Développement Durable (ODD). Pour l’Afrique, il est nécessaire de lever USD 1 500 milliards[1], sur 15 ans. Par un effet cumulatif, nous remarquons donc un besoin urgent d’investir sur le continent aujourd’hui pour limiter l’effort à produire sur les années restantes. De plus, les défis que vont rencontrer le continent dans les années futurs rendront l’objectif plus difficile à atteindre (augmentation de la population, effets du changement climatique, pénurie des ressources, faiblesse dans l’éducation…). Avec un investissement publique et privés représentant USD 200 milliards, les besoins en financement (ou Financing Gap) sont donc de l’ordre USD 1’300 milliards pour le continent. Avec des financements publiques de plus en plus rare, et des investissements privés principalement mesuré par la rentabilité, les auteurs font le constat que l’enjeu n’est pas uniquement financier, mais également un enjeu de modèle économique, qui actuellement considère l’impact comme une externalité et non comme une finalité. Cette notion d’impact est définie par le Global Impact Investing Network (GIIN) comme «les investissements faits dans les entreprises, les organisations et les fonds avec l’intention de générer des impacts environnementaux et sociaux en même temps qu’un rendement financier»

Business Model Evolution

L’évolution du business model nécessaire (source: UNEP FI, Rethinking Impact)

Comme nous le voyons ci-dessus, un modèle économique peut être centré sur le besoin du client, et proposer grâce aux évolutions technologiques (du Big Data notamment) une rentabilité permettant le financement par des acteurs privés.

Quelles stratégies mettre en place ?

Les auteurs du document explorent trois stratégies principales :

  • L’identification et l’intégration des impacts dans la chaîne de création de valeurs. Avec l’exemple d’une société ayant comme business modèle la réduction de la consommation énergétique, les auteurs démontrent le réalisme d’une solution centrée sur l’impact
  • La création de produits/services multi-impacts pour réduire le « coût par impact », et permettre de financer des impacts non rentables par d’autres impacts qui le sont. Avec l’illustration d’un simple réverbère, les auteurs démontrent les potentialités de cette solution.
  • La prise en compte par des acteurs privés de l’enjeu commercial de la réalisation d’un impact : en ouvrant de nouveaux marchés, en sécurisant une chaîne d’approvisionnement ou en augmentant le besoin d’une population, la satisfaction d’un impact va créer de nouvelles opportunités. Ainsi, il pourrait être rentable pour une entreprise privée d’accompagner et financer un ou plusieurs impacts.

Ainsi les entreprises (et par conséquent fonds d’investissements) qui prennent en compte l’impact comme leur cœur de métier, seront les premiers à bénéficier de ce marché de plusieurs milliards de dollars. Les prémices de ce changement de modèle sont déjà en place, avec des acteurs tels que les constructeurs automobiles qui investissent dans l’intelligence artificielle pour devenir des acteurs de la mobilité.

Comment les acteurs de la finance peuvent-ils accompagner cette ambition ? 

Lancé par l’UNEP FI en Janvier 2017, les « Principles for Positive Impact Finance » décrivent les piliers de la finance d’impact :

  1. Une contribution positive à au moins un pilier des ODDs
  2. Une identification des impacts négatifs
  3. La définition des processus et de la méthodologie pour suivre l’impact
  4. La transparence dans les projets, programmes, entités financées
  5. Une certification par un tiers.

Ces cinq points permettent de définir un cahier des charges commun à l’industrie. Cette vision holistique s’intègre parfaitement dans le rôle des acteurs de la finance de financer le développement de l’économie et de permettre également de mobiliser les investissements et l’épargne des acteurs individuels. Parmi les précurseurs de cette finance d’impact, les fonds d’investissement tels que Investisseurs & Partenaires, Moringa, Livelihoods et pleins d’autres dont nous parlons ici, agissent déjà et le vaste monde de la finance pourrait trouver dans leurs expériences des modèles d’applications.

En résumé, les ODD fixent un objectif clair sur l’évolution du monde. Cependant, ils nécessitent pour leurs réalisations un changement de modèle économique, avec un environnement d’affaire conscient des enjeux et d’un cadre de travail commun. Avec un modèle centré sur l’impact de son produit/service et la participation d’acteurs à tous les niveaux (gouvernement et pouvoirs publics, institutions financières, de développement, scolaires et les individus eux-mêmes), nous serons à même de combler ce besoin de financement de USD 1 300 milliards d’ici 2030. Mais tout ceci ne sera possible que si tous ces acteurs surpassent la pression du court terme comme le confirme Nicolas Hulot, ancien ministre français de l’écologie : « La pression du court terme sur les dirigeants, sur le Premier ministre est si forte qu’elle préempte les enjeux de moyen et de long terme, c’est la vérité. Parce que sur le bureau d’un Premier ministre il y a des exigences sociales, des exigences humanitaires qui légitimement relèguent toujours sur le côté les enjeux de long terme qui prennent notre société de court. Parce que c’est une telle remise en cause, que l’on reste toujours avec cette illusion que l’enjeu écologique est un enjeu culturel, sociétal, civilisationnel et on ne s’est pas du tout mis en ordre de marche pour l’aborder comme cela.« 

Comme tout changement de paradigme, les acteurs ayant compris ces évolutions et y participant seront les premiers gagnants.

 

 

En savoir plus :

http://www.undp.org/content/undp/fr/home/sustainable-development-goals.html

Sur le document de l’UNEP FI : https://mailchi.mp/e016c5d7bcde/rethinking-impact-is-open-for-consultation-and-other-actions-items-july-392543

Les auteurs :

Andrew Parry:  Head of Sustainable Investing, Hermes Investment Management

Denis Childs : Head of Environmental and Social Advisory and Positive Impact Finance, Société Générale

 

[1] Selon les auteurs

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