Entretien avec Serge Nawej, un activiste de l’Entreprise en RDC

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Entretien
Serge Nawej

Serge Nawej, avocat d’affaire, mais surtout président de la Commission Nationale des Jeunes Entrepreneurs (CNJE) tente de révolutionner la façon dont un pays, une structure favorise l’entrepreneuriat de la jeunesse. Avec une dimension démographique que l’on ne cite plus, une récente transition du pouvoir vers l’opposition qui aurait surpris les observateurs africains il y a encore quelques années de cela, le Grand Congo est vraiment une terre de contraste, d’interrogations, mais surtout le terreau d’une certaine énergie. 

Avec cette interview qui peut paraitre ardue, nous avons ici une vraie vision, africaine, locale et surtout volontariste. Pour ne pas dénaturer les propos, et pour la première fois sur le blog, voici l’intégralité de nos échanges avec Serge Nawej. 

Comment définiriez-vous les missions de la CNJE ?

Travailler autrement impacter. Donc savoir s’organiser pour apporter des solutions qui changent réellement le quotidien des jeunes entrepreneurs, et du pays pourquoi pas ?!

Quel rôle jouez-vous au sein de cette instance ?

Je suis le président de la Commission nationale des jeunes entrepreneurs. 

Vous avez récemment été interviewé par l’agence Ecofin et vous montrez un certain volontarisme. Est-ce pour vous la qualité primordiale d’un entrepreneur ?

Je suppose que oui. Je pense certainement que la patience est l’abnégation en sont. Vous savez mon métier par essence appelle une certaine indépendance et qui dit réelle indépendance et y aspire, doit nécessairement composer avec un certain volontarisme. Il faut aussi apprendre à se remettre en cause et à ignorer les ignorants, pessimistes et autres défaitistes une fois identifiés… (sourires). Bien entendu le projet que l’on porte et que l’on nourrit doit s’inscrire dans une perspective de développement de soi et des autres pour conserver ce degré de motivation qui rend presque invincible.

Comment expliquez-vous le classement de la RDC au Doing Business 2018 (rang 182/190) et ceci malgré les réformes mises en place pour faciliter l’enregistrement des entreprises (création du guichet unique par exemple) ?

Je suis relativement septique face à ces classements de complaisance, qui certes représentent des baromètres éventuellement sérieux, mais la RDC par son caractère unique ne rentre dans aucune catégorie aucun classement réellement adapté à nos réalités. Nous-mêmes congolais nous laissons trop souvent conditionnés par ces classements et adoptons des comportements et positions qui si nous devions prendre le temps de la réflexion n’ont pas de sens. Le Congo est unique et appelé à s’organiser dans cette perspective pour valoriser ce qui constitue nos plus grandes richesses. La première d’entre-elle est la richesse humaine et culturelle, celle qui quand elle prend conscience de ce qu’elle est réellement, riche forte et sans limite, initie un changement dont l’impact est quasi inébranlable. Les Etats-Unis en sont justement le parfait exemple dans leur apogée comme… [phrase laissée interrompu à la volonté de l’interviewé]

Une chose est certaine le Congo avec ses richesses humaines et en ressources diverses fait peur, attise la convoitise. Le réveil du géant amorcé avec le président Kabila et qui va se poursuivre sans aucun doute avec le président Tshisekedi est inéluctable.  Même doing Business s’en rendra compte, du moins les congolais et autres individus consultés pour réaliser ces rapports.

Est ce peut être notre manière de formater le « Doing Business » en un ensemble de critères objectifs, mais pas forcément approprié aux environnements dits « frontières » comme le Congo et une grande partie de l’Afrique centrale ?

Le caractère unique du Congo relève justement du fait que ce pays est demeuré unis malgré des conflits importés qui ont décimé plus de 5millions de personnes, il est entouré de 9 voisins, une population dynamique, des réserves exceptionnelles (eau, mines, forêts, terre arables…) convoitées globalement, aussi un protectionnisme quasi naturel qui en définitive est mesuré pour justement se protéger et espérer profiter d’une partie de ses ressources localement. L’économie informelle est en réalité une économie tolérée pour permettre aux locaux de ne pas trop souffrir de la concurrence quasi déloyale des représentants des économies organisées sur le territoire (investisseurs étrangers). Cependant le pays a vocation à s’ouvrir au fur et à mesure que des lois sont adoptées pour favoriser les locaux : le fameux local content.  Il nous faudrait plus de temps pour approfondir mon propos et le nuancer mais je pense que les critères actuels sont inadaptés du moins du point de vue d’un local.

En fait je ne me soucie que très peu de ces indicateurs qui sont totalement subjectifs et constituent souvent des outils destinés à refléter l’image que l’on veut se faire de la RDC ou de l’Afrique. Les critères dits objectifs ne sont que le reflet d’une certaine objectivité. Mais j’avoue m’inscrire dans une approche de contre-courant en dehors de la « formatisation » dont nous sommes tous le sujet. C’est un peu ça le Congo comme nous venons de le démontrer avec la transmission du pouvoir à un Opposant.

Quelle sont pour vous les prochaines étapes pour améliorer le climat d’affaire en Afrique et plus précisément en RDC ?

Une transition civilisée vers une stabilité durable aussi organisée soit-elle ? La RDC est un exemple des plus criants qui paradoxalement n’est pas décrit comme tel : 

  1. Première fois qu’un pays en Afrique, de cette taille, finance seul ses élections ; 
  2. Première transition dans le calme et civilisée ; 
  3. La démonstration d’une maturité singulière de sa population ; 
  4. La démonstration de la force du compromis pour la survivance des acquis ;
  5. Une volonté politique réelle de rassembler…

La RDC,cl exemple pour la région, n’attend plus que ce soit Didier, Jean-Yves, Paul ou tartuffe qui lui dictent son destin. C’est je crois le meilleur début pour penser à réaliser, se réaliser et s’ouvrir à nos amis les plus sincères dans un esprit de Win-Win. La polémique et les amis du chaos et du désespoir ne vont pas désemparer mais le processus vers un meilleur environnement est en marche. Nous devrons nous y faire, nous y accommoder et le rapporter, l’encourager.

Quels rôles les banques doivent elles jouer pour mieux accompagner les PME/TPE en RDC ?

Je suis tenté de vous dire que cela ne m’intéresse que marginalement. Les banques et banquiers sont formatés depuis des siècles pour agir selon des standards dont ils s’écartent rarement. Ce qui est important ici est de déterminer ce qui est à faire pour que les PME/TPE contraignent les acteurs financiers à s’intéresser à elles. Se rendre attractif, comprendre son environnement son marché et se présenter avec toute l’assurance et le dynamise qui créent cette confiance et cette envie de créer un « partenariat » dans le chef de ces institutions. Les banques vont suivre il en va de leur survie face à de nouveaux acteurs et des projets comme celui de crypto-monnaie que nous peaufinons et qui peuvent se passer d’elles si elles ne coopèrent pas.

En réalité ce sont les banques qui ont besoin des PME et TPE pour espérer croitre et se développer. Faut juste les rassurer quant à la qualité des acteurs.

CNJE RDC Serge Nawej

Comment prévoyez-vous de fédérer et fidéliser cette communauté de jeunes entrepreneurs ?

Nous avons utilisé le temps de ce mandat [qui s’achève mi 2019 ndlr] pour organiser et nouer les partenariats qu’il faut pour être en mesure de réellement impacter les entrepreneurs, même en étant hors de la CNJE, le cas échéant. Notre market place et l’écosystème qui va avec est en cours de finalisation. Nous avons même étendu notre approche à d’autres pays pour un impact plus grand. Nous espérons finaliser l’enregistrement de nos véhicules financiers dans les prochaines semaines et apporter des solutions uniques et dont l’impact se fera sentir sur les économies des pays qui nous font confiance avec le consortium de banquiers avec lequel je collabore. Je ne peux en dire plus à ce stade. 

Vous semblez vouloir créer une entité commerciale, au-delà de la simple aide au développement (services payant, prise de participations…). Quelles seraient ses missions et son business plan à court et moyen terme ?

Vous êtes perspicaces. Le seul moyen de tenir compte de la puissance de notre jeunesse, de l’utiliser pour notre développement et des retours sur investissement pour ceux qui y croient, est de « financialiser » nos économies. Et quel autre pays que la RDC dispose des ressources et réserves suffisantes pour devenir un acteur ou un point d’attraction valable et valide des ressources financières internes et globales. Nous pouvons créer une richesse quasi illimitée si nous parvenons à prendre notre place à la table des décideurs financiers et décider avec eux de l’orientation que nous voulons donner aux marchés pour le bien des congolais et des marchés.

Le paradoxe pour la population congolaise est que cela se produira par le truchement de ses habitudes de consommation et de comportements. En gros ce n’est pas l’extérieur qui aidera mais nous qui aiderons l’extérieur, consciemment cette fois, à espérer maintenir pour quelques décennies encore notre système financier.

Pour répondre plus précisément il va s’agir de canaliser cette force humaine et de lui apporter une plateforme d’échange doublée d’un accès à des ressources qui se multiplieront par le simple fait du nombre . Les transactions de l’ordre de celle que vous évoquez ne seront que l’expression du dynamisme de la plateforme.

J’en dis déjà trop.

Votre projet prévoit une redistribution des bénéfices/plus-values pour l’aide aux entrepreneurs. Est-ce pour vous la définition de la finance d’impact ?

Pas vraiment. Une telle redistribution sera toujours limitée et circonscrite Elle est un point d’appel, presque un outil marketing. C’est surtout la manière dont est utilisée les ressources qui va permettre de créer des effets d’entrainement et impacter la vie, les activités de millions de personnes. Notre système économique que je n’ai pas l’ambition de révolutionner démontre à suffisance que même avec les marchés boursiers la redistribution de ressources demeure inéquitable, bien que la circulation des richesses soit favorisée. Cela ne m’importe pas à partir du moment où les besoins primaires sont satisfaits, le caractère somptuaire pouvant souffrir les aléas de la compétition et de la compétitivité. La question est alors de définir ce qui relève du primaire ou non.

Envisagez-vous un partenariat futur entre des Venture Capital/Private Equity et le CNJE pour prendre le relais dans les besoins de croissance des entreprises ?

Sans aucun doute. Je me suis investi dans ce sens dans une perspective plus large que la CNJE. Elle sera certainement un partenaire privilégié de cette approche que j’ai conceptualisé avec l’aide de mes vice-présidents et mon réseau d’amis. Les ressources existantes seront mises à contributions, là où elles sommeillent ou se repose à moitié…

Est ce que le CNJE, avec tous ces projets, n’est pas finalement un Ministère de la PME ?

Pas du tout c’est juste ma vision qui est ambitieuse, et je n’aspire pas à être ministre :-).

Enfin de ma manière plus générale, que diriez-vous aux investisseurs occidentaux/européens frileux de réaliser des affaires en Afrique ?

Pas grand-chose. Si ce n’est qu’ils vivent dans une bulle dont les parois se font de plus en plus fines. Ils ne peuvent vivre sans l’Afrique, ils n’auront d’autres choix que de s’y faire. Plus vite sera le mieux et le moins douloureux. Ça évitera qu’ils pressent leurs dirigeants d’user de ce pouvoir de nuisance que peut comporter les campagnes militaires travesties sous l’habit de la paix la concorde et l’action humanitaire. L’heure est au Win-Win.

 

Merci à Serge Nawej pour son temps, nous allons garder un oeil sur toutes ces implémentations et idées nouvelles.

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